Pardonnez moi de me réjouir en ces temps de deuil planétaire, mais voici une petite histoire qui paraitra peut être insignifiante à beaucoup mais qui touchera ceux qui nous suivent depuis longtemps.

Mercredi dernier, le 14 mai, notre amie éthiopienne Amaretch que nous hébergeons en ce moment à Paris me dit : " Il y a une certaine Gabrielle qui a appelé des Etats Unis au sujet de votre livre." Je me dis qu`il doit s`agir d`une stagiaire inconnue de Weta (notre producteur de Washington ) qui me demande une photo pour faire une plaquette promotionnelle afin de solliciter des éditeurs. Je rappelle donc sans grande conviction, et voici ce qui suit :

" Bonjour, je suis expatriée dans une petite ville du Nord Est américain, Portland dans l`Oregon, et j`ai senti comme un appel dans votre dernier billet nous annoncant le refus de Sterling. Je me suis dit "Ce n`est pas juste ! Il faut faire quelquechose ! Etant moi même une lectrice passionnée par votre histoire, j`ai contacté un parent d`eleve de l`école où je donne des cours de francais, car il est éditeur. Il m`a donné rendez-vous à son bureau ce matin même et je lui ai presenté votre histoire et temoigné tout le bien que j`en pensais. Il a tout de suite accroché. Nous sommes allés voir votre site et là, il ne tenait plus en place. Il se demandait pourquoi personne n`avait pris le livre, qui détenait les droits, et voulait absolument entrer en contact avec vous. Voilà son numero, il attend votre appel..."

Totalement desarçonné par ce rêve éveillé que je poursuis depuis quatre ans après avoir essuyé une trentaine d`échecs, je compose le numéro et tombe sur le plus affable et relax des hommes, enthousiaste et naturel, comme s`il considérait presque notre histoire déjà sienne, et qu'il n'y avait que des problèmes techniques à résoudre. Apres une heure de conversation surréaliste je raccroche et n`en crois pas mes oreilles. Non ! Cela ne peut pas se passer comme cela ? Ce serait trop beau et trop facile !

Le lendemain, jeudi, il faisait une proposition a notre éditeur. Ce dernier faisait une contre-proposition le jour même, reçue vendredi aux Etats-Unis. Là, le bon Samaritain temporisait et annonçait qu`il donnerait sa réponse Lundi (le temps de trouver des traducteurs pendant le W.E.)

En ce Lundi 19 mai, à 16 H heure locale, Jeremy Solomon, fondateur de Inkwater press, accepte les termes de l`accord avec Robert Laffont. Une des plus belle minute de mon existence.

Et Jeremy est un rapide ! Il souhaite ma presence en fin de semaine prochaine à Los Angeles pour le lancement de notre histoire lors du grand salon du livre americain. Il va lancer une traduction éclair de notre livre en 4 semaines , soit la version condensée par le Readers Digest, soit le premier Tome en version intégrale, ce qui retiendrait ma préférence, car il veut que le livre soit prêt pour le lancement de notre série sur PBS le 6 septembre.

Le plus beau dans cette histoire, c`est que le matin du jour où je recevais l`appel, je terrassais un tas de terre dans un jardin ensoleillé, et sur le manche de ma pelle, à cours de stratégie apres le refus de Sterling, je renonçai, renonçai à emmerder plus longtemps la terre entière avec cette obsession de traduction, renonçai à conditionner toutes mes activités autour de cet objectif, renonçai à subordonner tout projet à la réalisation de ce but ardemment poursuivi, pour des raisons précédemment et en tous lieux énoncées. Voilà ! Ma pelle en mains, je baissai les bras, en me disant : "attendons la diffusion de la série en septembre, elle suscitera peut-être l`intérêt que je ne suis pas moi-même parvenu à éveiller. Au moment même, à l`autre bout du monde, à l'initiative de cette jeune inconnue, notre destin se scellait à notre insu.

Quand vous ne courez plus après une idée, elle se retourne et vous sourit !



Je fais mienne cette citation qui pourrait être coehlienne. Qui résume bien le petit miracle qui s`est produit :

Deux voyages aux Etats-Unis, deux à Londres, des centaines de courriels et d'appels transatlantiques, des dizaines d`envois de livres et de chapitres traduits, des douzaines de rendez-vous, d`espoirs, de pistes, de signes positifs, de stratégies et d`échecs inexpliqués, autant de frustrations et d`incompréhensions étalés sur près de quatre années, furent en trois jours balayés par la révolte d`une lectrice passionnée, qui contre tous les codes et tous les usages, à rebours de toutes les conventions et de tous les systèmes, de tous les canaux officiels et de tous les rendez-vous pris dans des salons du livre par des professionnels, triomphait de la forme et de la procédure, l`emportait sur la machine, le grand marché du livre et des idées, où 14000 km à pieds et 1200 familes africaines ne valent pas lourd ; car elle y avait mis de l`espoir et de la candeur, de l`innocence et de la joie, de la gratuité et de la foi.

Ma plus grande joie est que cette histoire ressemble tant à Africa Trek.

Il faut être des anges les uns pour les autres.

C'est un devoir d'être un jour, l'ange de quelqu`un.

Ce n`est pas à l`orgueil et à la force de la volonté que les choses se font.

Rien n`arrive de soi, rien n`arrive par soi, tout arrive par les autres, grâce aux autres..!

En ces temps commémoratifs de notre révolution culturelle, j'ose résolument : "le Paradis, c'est les Autres !"

Ayons la grâce d`être parfois cet Autre.

Notre ange Gabrielle.

La voici :